Les calories par pertes et profits
Auteurs :
- LALAU Jean-Daniel (Pr – Médecin nutritionniste)
Les calories par pertes et profits
Nous savons qu’en mangeant, nous produisons de l’énergie. Nous pouvons, à l’occasion, nous poser la question suivante : oui, mais quel est le rendement énergétique de cela ? Doit-on manger souvent parce que l’on gaspille ? Ou le rendement énergétique n’est-il finalement pas si mauvais que cela ?
Faisons, si vous le voulez bien, le parcours de l’aliment, et nous verrons bien.
Simple et de bon goût
Une chose simple et de bon goût à rappeler est que nous ne mangeons pas pour grossir, mais plutôt pour rembourser les dettes énergétiques : nous vivons, donc nous induisons des pertes énergétiques, par l’activité physique mais aussi, si je puis dire, par l’activité des organes : le travail cardiaque, le travail cérébral ; et nous ne mangeons jamais que pour compenser ces pertes.
Ceci étant rappelé, avec quel rendement au bout du compte ?
Etape n° 1
Il est curieux de s’entendre dire que nous mangeons « des calories ». Curieuse inversion, en effet, entre la cause et la conséquence : nous mangeons des aliments, lesquels génèreront des calories. Ce n’est pas la même chose !
Il ne faut pas confondre les calories dégagées par un plat chaud, qui pourraient même nous brûler la langue, et les calories produites par la transformation des aliments !
Etape n° 2
Dans le parcours énergétique, le tout premier temps est donc celui de la transformation des aliments en nutriments : glucides, protides, lipides, etc. Le travail de digestion puis d’absorption intestinale des nutriments est relativement peu coûteux, énergétiquement ; de sorte que l’on pourra pratiquement faire l’équivalence entre l’énergie disponible à partir des aliments et celle disponible à partir des nutriments.
Mais après ?
Etape n° 3
L’étape qui suit est celle de la transformation différentielle à partir des nutriments : une partie de l’énergie est dissipée sous forme de chaleur, une petite moitié (40 % précisément) ; et une autre est convertie en réserve énergétique (60 % donc, et sous la forme d’ATP(1).
Quand on parle de calories, on ne sait pas si bien dire : s’il n’y avait pas cette conversion au moins partielle en réserve énergétique, nous nous brûlerions de l’intérieur après chaque repas. Tant le dégagement de chaleur serait considérable ! (à ne pas confondre avec « déclarer sa flamme », « être bouillant », « se consumer d’amour », etc.).
Etape n° 4
Bon, ça sert à quoi, en définitive, cette réserve énergétique ? Au travail, entendez au travail mécanique. De quoi disposer assez d’énergie… pour produire d’autres aliments, ou aller en acheter à nouveau…
Des 60 % mis en réserve, il y a encore une perte significative : l’essentiel est à nouveau dissipé (36 %), de sorte qu’il n’en reste plus que 24 % pour le travail mécanique véritablement.
En résumé : manger plus pour perdre plus ?
Pour 4 calories ingérées, 1 seule sert au travail mécanique ; un rendement donc de 1 sur 4.
Donc 3 calories jetées en pâture, pour rien ? A l’heure où l’on cherche à faire des économies d’énergie, où l’on calfeutre ses fenêtres…
Cela frise l’indécence.
Quoique…
En réalité, le rendement d’une machine thermique ne dépasse guère qu’une dizaine de %. De sorte que l’on pourra encore et toujours s’émerveiller sur les qualités de la « machine » humaine : on n’a pas encore trouvé mieux ; et de loin !
Leçon des courses
Si l’on veut développer plus de travail mécanique, il ne convient pas de manger un peu plus, mais beaucoup plus, au regard du rendement énergétique faible. Regardons comment font les sportifs ! Idem dans l’obésité, quand on veut faire des kilomètres en plus (à pied, s’entend).
Leçon des leçons
Ça serait bien, tout de même, de ne pas assimiler – c’est le cas de le dire – le corps de l’homme, le corps de la femme, à une simple machine.
Car la merveille, la seule, la vraie ; c’est quand la muse s’empare de tout cela !
(1) ATP : adénosine triphosphate