L’accompagnement de la maladie d’un proche : le parcours difficile de l’aidant en activité
Auteurs :
- BARRE Véronique (Assistante sociale)
L’accompagnement de la maladie d’un proche : le parcours difficile de l’aidant en activité
Ce sujet m’interpelle régulièrement en tant qu’assistante sociale du travail : dans le cadre de ma mission d’accueil et d’écoute des salariés, je me rends compte que beaucoup de salariés se retrouvent perdus, désorientés, souvent épuisés quand un problème grave de santé d’un proche se pose ; particulièrement dans les premiers mois de l’évènement durant lesquels doivent se mettre en place l’acceptation psychique de l’entourage et la partie organisationnelle et logistique.
Pourtant de nombreuses structures et interlocuteurs existent en appui : CLIC (Centres Locaux d’Information et de Coordination), services sociaux hospitaliers, sécurité sociale, conseil général, associations, site internet d’aides aux aidants …
Néanmoins, les salariés à temps complet, confrontés à cette problématique, sont souvent à bout, n’arrivant plus à jongler entre tous les rendez-vous , les dossiers à remplir, les lignes téléphoniques surchargées, les incertitudes, les retours à domicile mal ou peu préparés , le manque de communication, les horaires non compatibles avec les structures d’appui, les pressions de l’entreprise, du service, du manager sur les absences répétées (même si les absences ont pu être négociées au préalable)…
Mais qui est l’aidant ?
L’aidant ou les aidants sont souvent des personnes de l’entourage proche de la personne malade, prodiguant un soutien matériel, psychologique, organisationnel lorsque la maladie apparaît ou évolue.
L’aidant est « monsieur ou madame tout le monde », qui ne dispose pas forcément de connaissances dans les domaines médico-sociaux et administratifs qui s’y rattachent.
La Commission Européenne avec l’aide du Coface Handicap (Confédération des Organisations familiales de l’Union Européenne) définit l’aidant familial comme suit dans sa charte :
L’aidant familial est « la personne non professionnelle qui vient en aide à titre principal, pour partie ou totalement, à une personne dépendante de son entourage, pour les activités de la vie quotidienne ; cette aide peut prendre plusieurs formes : nursing, soins, accompagnement à la vie sociale, démarches administratives, coordination, vigilance permanente, soutien psychologique, etc. »
Un manque de communication
Lorsque l’événement arrive, surtout lorsque c’est soudain, les accompagnants sont bien souvent sous le choc et peuvent passer par des phases dépressives ou de très forte déstabilisation.
A une époque où le temps est compté, les services sont bien souvent débordés, il reste très peu de place pour une véritable communication entre les familles, proches, aidants et les services : je remarque, lors des entretiens, bon nombre d’incompréhensions, de sentiments de manque de considération, de soutiens, l’impression que l’on ne prend pas leur problématique au sérieux. Ces problèmes sont particulièrement visibles au moment de la sortie hospitalière : les aidants se sentent souvent sous pression : peut-être parce qu’ils n’ont pas souvent eu le temps d’intégrer psychiquement l’événement, mais aussi parce qu’on leur demande de trouver des solutions de sortie et d’aménagement parfois dès l’entrée à l’hôpital. Dans certains cas, les services sociaux hospitaliers accompagnent, mais toutes les situations ne bénéficient pas du service.
Une législation de soutien limitée
Afin d’aider à organiser les aménagements externes (mise en place de services d’aide à domicile, aménagements techniques du domicile, demandes diverses), il est nécessaire d’avoir du temps. Pour ce faire il existe sur le plan législatif, certains congés de soutien : accompagnement de fin de vie ou pour enfant malade (en ce qui concerne les congés rémunérés) ; mais les situations ne correspondent pas forcément à ces cas spécifiques.
Les salariés aidants trouvent parfois des arrangements avec l’entreprise, ou leur manager (pose de congé payé, RTT, congé de soutien familial) mais tout ceci a des limites : quand bien même certaines entreprises peuvent comprendre, d’autres n’hésiteront pas à mettre en cause des absences répétées et ceci n’est parfois pas sans conséquences sur les plans de carrière, avancements…
Pris dans un vrai dilemme, ils jonglent souvent avec des emplois du temps surchargés (visite à l’hôpital, centre de rééducation, rendez-vous avec les médecins, services divers, administrations, documents à remplir…) travail, vie de famille, enfants… frôlant parfois la crise de nerfs et pouvant évoluer vers des états dépressifs.
Un manque de coordination pour une aide à la prise en charge globale : l’accompagnement d’une personne gravement malade ayant des problèmes d’autonomie nécessite la mise en place d’une logistique souvent lourde et demande une vision globale. Actuellement les services et intervenants agissent sur leur périmètre d’intervention bien précis , le malade ne semble pas pris en compte socialement dans sa globalité mais par morceaux : ainsi chaque problématique se règle avec des organismes interlocuteurs très différents : le coordonnateur (l’aidant salarié) doit se débrouiller pour comprendre qui fait quoi, où aller et que faire.
Tout ceci est sans compter les délais de réactivité de certains organismes pour le traitement des dossiers : le salarie aidant ne doit alors compter, au moins dans un premier temps, que sur sa propre énergie, sa réactivité et son moral.
Le parcours de l’aidant en activité me paraît extrêmement difficile aujourd’hui : sans que tout soit assumé par la collectivité ou les services publics, je pense que parmi tout ce qu’il existe, des améliorations sont possibles afin d’alléger la vie des aidants et mieux accompagner les personnes malades : telle qu’une simple coordination dans laquelle patient (et l’entourage) se trouve au centre du processus, plutôt que d’avoir affaire à une juxtaposition de services qui ne communiquent pas ou peu entre eux, et avec lesquels les aidants s’épuisent très rapidement, passant d’une structure à l’autre ou d’une plateforme téléphonique à l’autre, sans jamais avoir en direct le bon interlocuteur.